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Schizophrénie : une exploration génétique pour tous

Mis en ligne le 05 mai 2022

Le Centre Hospitalier Le Vinatier est le promoteur de l’essai SCHIZO-CGH. Ce projet a été obtenu par l'équipe du pôle HU-ADIS du Pr. Caroline DEMILY en 2016. Mieux détecter les formes génétiques de schizophrénie est l’un des objectifs d’iMIND, centre d’excellence autisme et troubles du neurodéveloppement récemment labellisé à Lyon et porté par le CH Le Vinatier. Le Dr. Romain REY est l'investigateur principal de cette étude impliquant 5 établissements de santé sur le territoire national.

Sur quoi porte ce projet de recherche ?

La schizophrénie est une maladie sévère que l’on retrouve dans le monde entier, dans toutes les cultures et sous toutes les latitudes. Près de 600 000 personnes en France sont touchées par cette pathologie qui débute, généralement, à l’adolescence et pouvant durer toute la vie. Décrite il y a 100 ans, la schizophrénie demeure encore aujourd’hui l’une des maladies les plus mystérieuses de la psychiatrie. Bien que l'on sache désormais que cette maladie mentale soit liée à des altérations de la structure et du fonctionnement du cerveau, les causes exactes de la maladie sont loin d'être complètement élucidées.


Depuis les années 70, l'implication de facteurs génétiques dans la vulnérabilité pour la schizophrénie a été démontrée de façon robuste. Au cours des 20 dernières années, l'amélioration des technologies génétiques et la constitution de vastes programmes de recherche internationaux ont permis de commencer à identifier quels étaient ces facteurs.


Actuellement, la schizophrénie semble surtout liée à l'association de plusieurs facteurs génétiques représentant chacun un petit facteur de risque. Cependant, à l'instar de l'autisme et de la déficience intellectuelle, certaines formes de schizophrénie sont clairement liées à une anomalie chromosomique particulière. On parle alors de "schizophrénies syndromiques".

Pourquoi est-il important d'identifier les schizophrénies syndromiques ?

Il faut bien comprendre que les schizophrénies syndromiques peuvent être associées à des symptômes psychiatriques mais aussi à des complications médicales générales. Parfois, les symptômes psychiatriques peuvent être la seule manifestation "visible" de l'anomalie chromosomique. Dans une telle situation, le diagnostic génétique n'est généralement pas réalisé, ce qui implique :

  • Un risque de transmission à la descendance ;
  • Une perte de chance en termes d'adaptation des soins.


Il existe donc un intérêt évident à dépister systématiquement ce type de schizophrénie. En premier lieu, cela permet de dépister des atteintes médicales associées (maladie cardiaque ou rénale, déficit immunitaire associés…) qui peuvent rester silencieuses pendant longtemps mais aussi de mettre en oeuvre précocement des mesures de surveillance et de prise en charge. Ensuite, cela permet de fournir une prise en charge psychiatrique adaptée aux particularités du syndrome. Enfin, cela permet de prodiguer un conseil génétique pour le reste de la famille et pour le patient en cas de

désir d'enfant. Plus globalement, il a été montré que le fait de porter un diagnostic précis avait un impact favorable sur l'auto-stigmatisation des personnes avec une schizophrénie et réduisait la culpabilité et l'isolement auxquels leurs familles sont fréquemment confrontées.

Comment détecter les schizophrénies syndromiques ?

Elles peuvent être détectées par un bilan génétique. Néanmoins, alors que dans l'autisme et la déficience intellectuelle un bilan génétique est généralement proposé, aucune recommandation n'est préconisée concernant la schizophrénie. De ce fait, les bilans génétiques restent rarement proposés aux personnes avec cette pathologie. Il en résulte qu’un certain nombre de schizophrénies syndromiques ne sont jamais diagnostiquées, provoquant une perte de chance pour les personnes concernées et leurs proches.

A qui peut-on proposer ce type d'exploration ?

Actuellement, le bilan génétique peut être prescrit à une personne avec schizophrénie lorsqu'elle présente certaines particularités symptomatiques ou développementales. Il faut noter que ces critères ne sont pas unanimement reconnus, ce qui explique la diversité des pratiques.

Point important, sur le plan diagnostic, nous ignorions jusqu’alors s'il était stratégique de proposer systématiquement un bilan génétique aux personnes avec une schizophrénie. Cela explique pourquoi, encore aujourd’hui, ce type d'examen n'est pas utilisé en routine dans le cadre de la schizophrénie (contrairement à l'autisme, par exemple).

En quoi consiste ce projet ?

Entre 2016 et 2021, nous avons systématiquement proposé des bilans génétiques à 149 personnes vivant avec une schizophrénie. Notre projet avait pour objectif de connaître le rendement diagnostic des bilans génétiques lorsqu'ils sont proposés systématiquement à tous les usagers avec une schizophrénie.

Quels sont les résultats ?

Parmi 149 personnes inclues dans cette étude, nous avons identifié 14 schizophrénies d’origine génétique syndromiques. Lorsqu’un bilan génétique est proposé de manière systématique à tous les patients avec une schizophrénie, le rendement diagnostic du bilan génétique est proche de 10%. C'est bien supérieur à ce qui était décrit dans les précédentes études (entre 1 et 4%). Cette amélioration est, sans doute, liée à l’approche diagnostique du CH Le Vinatier :

  • Se basant sur une démarche clinique individuelle rigoureuse ;
  • Et prenant en considération davantage de facteurs génétiques comme le recommande le collège américain des généticiens médicaux.

En quoi ces résultats contribuent-ils à améliorer la situation ?

Ce rendement diagnostic élevé est similaire à celui observé pour l'autisme. Or dans cette situation, le bilan génétique est proposé en routine. Lorsqu’on compare le rendement diagnostic de l'imagerie cérébrale (scanner/IRM) dans la schizophrénie, l’évaluation est inférieure à 0.5%. C’est pourtant cette technique qui reste systématiquement recommandée.

Nos résultats constituent donc une avancée importante vis à vis de l'organisation des stratégies diagnostiques dans le cadre de la schizophrénie. Ces derniers plaident fortement pour que le bilan génétique soit systématiquement proposé aux personnes vivant avec une schizophrénie.

Quelles perspectives d'avenir ?

iMIND, porté par le Centre Hospitalier Le Vinatier, pense que ses résultats vont contribuer à réduire la perte de chance liée au manque de repérage des schizophrénies syndromiques. En effet, l'amélioration du diagnostic permettra d'impacter favorablement les personnes concernées par ces troubles aussi bien au niveau de de leurs soins psychiatriques que de la prévention d'éventuelles complications physiques. Cela aura également un effet très vertueux sur les familles qui pourront bénéficier de conseils génétiques. De plus, cela facilitera également la mise en lien des proches avec des associations spécifiques (rompant ainsi leur isolement). Le fait de formuler un diagnostic précis réduit les phénomènes d'auto-stigmatisation pour les personnes concernées et de culpabilité pour les familles. Enfin, cela contribue à donner une dynamique et de nouvelles perspectives d'accompagnement pour les équipes référentes.


Ce projet est un premier pas vers l'application de la médecine personnalisée en psychiatrie : un diagnostic précis des causes d'un trouble pour une proposition de traitement individualisé (spécifique à chaque situation).

Existe-t-il d'autres projets en cours ?

Deux projets concernant les schizophrénies syndromiques sont en cours et visent à développer le diagnostic des schizophrénies syndromiques tout en améliorant l'organisation des soins.


Concernant le diagnostic, le centre de référence maladie rare à expression psychiatrique "GénoPsy" du CH Le Vinatier (Pr. Demily, Dr. Rey) coordonne nationalement l'accès à la prescription de génomes pour les patients avec une schizophrénie. Le plan France Génomique 2025 permet, ainsi, à certains patients pour lesquels le bilan génétique initial est revenu négatif de bénéficier d'une exploration de l'ensemble de leur patrimoine génétique visant à identifier des facteurs génétiques non détectables par les techniques habituelles. Ce projet clinique permettra également de faire avancer la recherche en identifiant de nouveaux gènes impliqués dans les schizophrénies.


Concernant l'organisation des soins, le pôle HU-ADIS et le service de génétique médicale des Hospices Civils de Lyon (HCL) proposent, en outre, de créer une équipe génétique ambulatoire qui proposera des consultations génétiques et des tests génétiques aux personnes avec une schizophrénie dans leur lieu de vie. Ce projet, une fois financé, permettra de lutter contre les différents freins responsables de la perte de chance de diagnostiquer une maladie génétique dont sont victimes les personnes concernées.

 

En lien avec l'article, découvrez le portrait du Dr. Romain Rey

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