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Reclassification européenne de la stimulation cérébrale non invasive en tant que dispositifs médicaux de classe III : un appel à l'action

Mis en ligne le 22 juin 2023

Au sein de l'Union européenne (UE), contrairement à d'autres pays (notamment les États-Unis), seulement un nombre limité de compagnies d'assurance remboursent les traitements par stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) et aucune ne rembourse la stimulation électrique transcrânienne (tES). Par conséquent, il existe un risque significatif que la disponibilité des traitements et les investissements dans la recherche et les développements cliniques des techniques de stimulation cérébrale non invasive (NIBS) en Europe prennent du retard.

Un changement réglementaire inattendu et indésirable

De manière inattendue, un changement réglementaire soudain et indésirable a aggravé la situation européenne. En décembre 2022, l'UE a reclassifié la rTMS et la tES à faible intensité comme dispositifs de classe III, la catégorie à plus haut risque . Selon le cadre réglementaire précédent (Directive sur les dispositifs médicaux, DDM), l'UE ne réglementait pas spécifiquement les dispositifs de NIBS, mais la plupart étaient classés en tant que classe IIa (risques gérables, effets thérapeutiques approuvés).

Des preuves scientifiques erronées à l'origine du reclassement

Les dispositifs de classe III, tels que les implants de stimulation cérébrale profonde, sont définis comme invasifs car ils se connectent directement au système circulatoire ou au système nerveux central. Bien que ce nouveau reclassement se réfère actuellement uniquement aux "produits sans but médical", une terminologie qui est peu claire pour de nombreux chercheurs et médecins, les preuves avancées concernant les risques et les effets indésirables de la rTMS et de la tES qui justifient ce reclassement sont gravement erronées. L'UE semble avoir estimé que les NIBS présente un risque plus élevé pour la sécurité des patients que ce qui était précédemment établi. Cette évaluation est basée sur des déclarations incorrectes concernant la rTMS et la tES à faible intensité qui contredisent les preuves scientifiques disponibles, et bon nombre des affirmations et des hypothèses avancées sont simplement fausses (par exemple, il est affirmé que la TMS/tES peut induire un "développement cérébral atypique" ou des "schémas anormaux d'activité cérébrale"). De même, la mention importante des risques de crises convulsives liés à la rTMS/tES contredit la déclaration de consensus la plus récente dans le domaine, basée sur des données cliniques réelles, qui a démontré que les taux de crises observés sont beaucoup plus faibles que ce que les directives antérieures préconisaient. La prudence précédente concernant le risque de crises convulsives n'est plus étayée par des preuves scientifiques.

Les étapes de la décision de l'UE et l'absence de consultation

La décision de l'UE concernant le reclassement de la stimulation cérébrale non invasive (NIBS) en tant que dispositifs médicaux de classe III est difficile à comprendre. En mai 2021, un nouveau Règlement sur les dispositifs médicaux (MDR) a été introduit, et les NIBS ont été spécifiquement abordées pour une utilisation non médicale. L'application progressive du MDR se fera jusqu'en mai 2024, ce qui signifie que les produits de NIBS existants (de classe I et IIa selon les anciennes réglementations) sont autorisés à rester sur le marché jusqu'à la fin de cette période, à condition qu'ils se conforment aux règles de transition.

En juillet 2022, certains États membres de l'UE ont conjointement demandé le reclassement de plusieurs produits actifs sans but médical, y compris les dispositifs de NIBS. Les raisons pour lesquelles cette demande a été faite ne sont pas claires. Dans un processus très rapide, un groupe de l'UE appelé SANTE (Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire) a préparé un projet qui a été soumis à une période d'audition de 8 semaines sur la plateforme "Have Your Say". À notre connaissance, aucun expert du domaine ou entreprise de NIBS n'a été informé de cette démarche. Le projet n'a reçu que 22 commentaires du public et presque tous étaient liés à des dispositifs non-NIBS. Le 1er décembre 2022, la version finale du reclassement a été publiée et elle est devenue effective en loi à partir du 22 décembre. Désormais, tous les nouveaux produits de NIBS non médicaux dans l'UE doivent se conformer aux règles de la classe III.

L'appel à l'action de la Société européenne de stimulation cérébrale

La Société européenne de stimulation cérébrale (ESBS), fondée en 2022, est une association professionnelle indépendante de médecins, de psychologues, de neuroscientifiques et d'autres spécialistes de la recherche et de l'application clinique des techniques de NIBS. La mission de l'ESBS est de représenter et de promouvoir le domaine de la recherche et de la pratique clinique de la NIBS en Europe, basée sur les dernières preuves scientifiques.

Opposition à la décision de reclassement de l'UE

L'ESBS s'oppose vivement à cette décision de l'UE, qui aura des conséquences négatives significatives pour l'avenir de notre domaine. La sécurité est notre priorité absolue. Au cours des 30 dernières années, des données ont été recueillies dans notre domaine pour évaluer attentivement les effets comportementaux, neurocognitifs, physiologiques et biophysiques des NIBS sur le système nerveux central. Ces études nous ont non seulement renseignés sur l'efficacité clinique, mais ont également permis de développer de nouveaux traitements basés sur des preuves, non pharmacologiques, pour les troubles neurologiques et psychiatriques, qui sont utilisés dans un nombre croissant de pays à travers le monde.

Les preuves scientifiques soutenant la sécurité de la NIBS

Il est important de souligner que cette longue période de recherche nous a également permis de mieux comprendre les risques, les effets indésirables et les effets secondaires pouvant survenir lors de l'application de NIBS. Sur la base de cette vaste quantité de données sur la sécurité collectée, plusieurs publications, méta-analyses, revues, lignes directrices et documents de consensus ont fourni des évaluations basées sur des preuves examinées par des pairs de la sécurité des NIBS, y compris chez les enfants. Les preuves scientifiques et cliniques actuelles suggèrent que tant la rTMS que la tES à faible intensité sont des interventions sûres pour le traitement et la recherche, avec peu d'effets indésirables et légers.

Position de l'ESBS et appel à l'action

En tant qu'ESBS, nous sommes d'accord pour que tous les dispositifs de NIBS soient certifiés en tant que dispositifs médicaux de classe IIa, indiquant un risque modéré, et utilisés pour le diagnostic, la surveillance et/ou le traitement. Cependant, nous sommes en désaccord avec la désignation de la classe III. Requalifier les dispositifs de NIBS comme présentant le même niveau de risque que les dispositifs de stimulation cérébrale invasive implantés à l'intérieur du cerveau est inapproprié, contredit 30 années de données sur la sécurité et a été décidé sans consultation des parties prenantes professionnelles pertinentes.

À court terme, ce reclassement entraînera des coûts plus élevés et des retards importants dans la recherche et le développement des NIBS, compromettant le rôle de premier plan des chercheurs européens dans ce domaine. À moyen terme, cette décision de l'UE rendra finalement le traitement par NIBS moins accessible aux patients en Europe et entravera sérieusement la recherche, le développement de dispositifs et la recherche de nouvelles indications cliniques plus précises. Les citoyens européens seront désavantagés, et il existe un risque que d'autres approches de traitement avec des effets indésirables plus graves et établis soient surutilisées pour compenser le manque de disponibilité de la NIBS.

Conclusion en défaveur de cette décision

En conséquence, nous protestons vivement contre cette décision, et nous exhortons nos collègues travaillant dans notre domaine à faire de même, indépendamment de leur nationalité. Nous avons déjà envoyé une lettre de protestation à l'UE, soulignant les erreurs factuelles et les préoccupations concernant la sécurité et l'accessibilité des traitements de NIBS. Nous appelons également à une révision urgente de la décision de reclassement de l'UE, en prenant en compte les preuves scientifiques solides et en engageant un dialogue ouvert et transparent avec les parties prenantes.

Il est essentiel que les chercheurs, les professionnels de la santé, les patients et les associations de patients se mobilisent pour défendre l'importance des NIBS dans le domaine médical et pour garantir son accès continu aux patients européens. Nous encourageons la collaboration internationale et la formation de coalitions pour faire pression sur les autorités de réglementation de l'UE afin de réviser cette décision et de préserver l'avenir des NIBS en Europe.

En conclusion, le reclassement de la stimulation cérébrale non invasive en tant que dispositifs médicaux de classe III par l'UE constitue un appel à l'action urgent. Nous devons défendre les preuves scientifiques, promouvoir la sécurité des traitements par NIBS et garantir l'accessibilité de ces thérapies novatrices aux patients européens. La Société européenne de stimulation cérébrale (ESBS) s'engage à jouer un rôle actif dans cette lutte, mais nous avons besoin du soutien et de la mobilisation de tous les acteurs concernés pour faire entendre notre voix et influencer les décisions réglementaires. Ensemble, nous pouvons préserver l'avenir de la stimulation cérébrale non invasive en Europe et continuer à améliorer la vie des patients atteints de troubles neurologiques et psychiatriques.

 

Retrouvez l'intégralité de la publication sur PubMed
Plus actualité sur ces sujets via The European Society for Brain Stimulation

 

 

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