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L’impact du suicide de patients sur les internes en psychiatrie

Mis en ligne le 07 avril 2022

Au cours des études de médecine, et plus particulièrement de l’internat en psychiatrie, l’exposition au décès par suicide d’un patient est fréquente (Pilkinton, 2003 ; Pieters, 2003). En effet, près de la moitié d’entre eux y seraient confrontés lors de leur formation. Cet évènement survient le plus souvent précocement dans le cursus, ce qui interroge sur l'impact à long terme d’une telle expérience professionnelle. Malgré ces données, le nombre d’études réalisées sur le sujet demeure faible et porte sur des rapports de cas ou de faibles échantillons d’internes (Leaune, 2019).

Pourquoi cette étude est-elle importante ?

L'objectif de l’étude IMPACT-S, étude portée par l’UF recherche du Pôle Urgences Psychiatriques et dirigée par le Dr. Leaune, était de mesurer la prévalence du suicide chez les internes en psychiatrie français et d’évaluer l'impact psychosocial sur leur devenir professionnel en termes d'impact traumatique, de professionnalisation et de représentation du métier.
La méthode utilisée combine les apports couplés d’une mesure de la prévalence de l'évènement et d’une évaluation quantitative de l'impact psychologique et professionnel par questionnaire sur un échantillon de plus de 400 internes en psychiatrie français avec la méthodologie qualitative des focus groupes.
Les résultats permettent de mieux évaluer la prévalence de survenue du suicide d’un patient dans la population des internes en psychiatrie et d’objectiver les effets traumatiques (échelle IES-R), émotionnels et professionnels de cette expérience. L'évaluation de l'impact du point de vue des processus de professionnalisation et de représentations sociales du métier propose une compréhension fine de l’impact sur le devenir professionnel des internes, et de la prévention des risques psychosociaux.

Quels résultats ?

Les répondants au questionnaire (253 internes) sont pour la majorité des femmes (68,4%) d’un peu plus de 28 ans en moyenne. Une exposition au décès par suicide d’un patient est retrouvée chez un interne sur deux (49,4%) au cours de ces études, survenue au cours de la première année d’internat pour près de la moitié (48,0%) d’entre eux.
Chez les internes exposés, le score IES (mesurant l’impact psychotraumatique) révèle que :

  • Presque 17% (16.8%) d’entre eux présentent un risque d’état de stress post-traumatique (IES-R>24)
  • Et environ 7% (7,2%) montrent des signes cliniques d’état de stress post-traumatiques (IES>34).

Sur le plan émotionnel, la culpabilité et la tristesse représentent les deux émotions les plus intenses chez les internes exposés.

Un impact professionnel actuel est notable chez plus de la moitié (52,8%) d’entre eux et se traduit de façon concrète par la crainte de donner des permissions ou encore la tendance à hospitaliser davantage. Les focus-groups ont mis en avant une atteinte de l’idéal professionnel : un fort sentiment de ne pas être fait pour le métier ou de ne pas en avoir les compétences. Des effets positifs, en termes d’évaluation du risque suicidaire ou d’intérêt pour la prévention du suicide, sont également rapportés.

Le manque de soutien perçu est retrouvé dans le questionnaire et dans les groupes de discussion. Ainsi, plus d’un quart (25.6%) des internes rapportent n’avoir reçu aucun soutien après le suicide de leur patient. Lors de ces focus-groups, les internes ont évoqué le besoin d’être préalablement formés aux risques psychosociaux liés à l’exposition au suicide d’un patient et de bénéficier d’un soutien institutionnel structuré en cas d’exposition.

Ce qu’il faut retenir

En conclusion, le décès par suicide d’un patient est un évènement fréquent au cours de l’internat en psychiatrie confrontant les internes à un impact :

  • traumatique,
  • émotionnel,
  • et professionnel

Cet évènement peut se répercuter sur la pratique clinique à long terme. Ces résultats viennent encourager la mise en place de procédures de formation et de soutien spécifique auprès des jeunes professionnels. L’encadrement par les seniors constituent également un enjeu majeur pour limiter les effets délétères de l’exposition au suicide d’un patient.

→ Regarder une vidéo explicative
→ Le financement de cette étude a été possible avec le soutien du CSR Lyon2/Vinatier

 

 

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