Actualités, Evènements
Comprendre les inférences pragmatiques : les clés du développement social de l'enfant
Mis en ligne le 07 décembre 2023
La soutenance de thèse de Nicolas Petit, orthophoniste et docteur en sciences cognitives dans le Service Universitaire de Neurodéveloppement, Réhabilitation, Intervention et Suivi de l'Enfant (SUNRISE), a récemment mis en lumière l'importance des inférences pragmatiques dans le développement social des enfants. Cet événement majeur a eu lieu le 22 novembre 2023 au Centre de Recherche en Neuroscience de Lyon (CRNL).
Le rôle des inférences pragmatiques dans le développement social
Les inférences pragmatiques nous permettent de comprendre ce qu’un locuteur voulait dire en fonction de ce qu'il a dit, et ainsi de comprendre les implicites dans le langage (ironie, métaphores, etc.). Elles sont donc cruciales pour naviguer dans notre environnement social, notamment durant l’enfance. Cependant, des conditions telles que l'autisme peuvent entraîner des défis dans cette compétence, avec des conséquences potentiellement négatives dans la vie de tous les jours.
Des tâches expérimentales pour évaluer le développement entre 6 et 11 ans
Il est donc important d’évaluer ces habiletés en clinique, mais peu d’outils sont disponibles. C’est pourquoi Nicolas Petit a conçu un nouvel outil d'évaluation clinique, sur tablette. L’intérêt d’un outil sur tablette est qu’il favorise la motivation des enfants, qu’il permet une standardisation du matériel, et la collecte des temps de réponse des enfants, qui nous renseignent sur les stratégies cognitives qu’ils utilisent.
Les deux types d'inférences pragmatiques étudiés
Parmi les différents phénomènes évalués par ce test, Nicolas Petit s'est concentré sur deux types classiques d'inférences pragmatiques : les implicatures scalaires et les métaphores. Les implicatures scalaires impliquent que des expressions peu informatives suggèrent la négation d'une alternative plus informative (par exemple, ‘quelques’ sous-entend ‘pas tous’), tandis que les métaphores utilisent des expressions figuratives pour transmettre des idées.
Une validation dans le développement typique
Ces tâches ont été testées dans un premier temps auprès d’environ 250 enfants neurotypiques. Les résultats confirment que la période de 6 à 11 ans est cruciale pour le développement des inférences pragmatiques. Les enfants ont en effet montré une propension croissante à utiliser spontanément l'informativité pour inférer les intentions de communication d'un locuteur, dans la tâche d’implicatures scalaires. Les performances en compréhension de métaphores ont également progressé de manière marquée avec l’âge. Par ailleurs, les résultats ont révélé un changement qualitatif et pas seulement quantitatif des métaphores dans cette fenêtre développementale, puisque les performances étaient prédites par la théorie de l’esprit chez les enfants les plus jeunes, mais par les compétences langagières formelles chez les plus âgés.
Application aux enfants autistes
Nicolas Petit a étendu ses recherches pour évaluer des enfants autistes, puisque l’autisme est typiquement associé à une compréhension inhabituellement littérale du langage. Cependant, les données cliniques préliminaires ont révélé que le développement pragmatique à l'âge scolaire était aussi actif chez les enfants autistes. Des trajectoires spécifiques ont toutefois été observées chez ces enfants, en particulier sur les implicatures scalaires plutôt qu’avec les métaphores, contrairement à ce qui était attendu.
Vers une meilleure compréhension de l'autisme
Les résultats soulèvent des questions cruciales sur la nature spécifique des défis pragmatiques chez les enfants autistes, encore peu comprise. Plutôt qu'une incapacité pragmatique globale, les données suggèrent des patterns spécifiques qui pourraient être liés au caractère spontané ou non d'une opération pragmatique. Cette hypothèse offre une perspective nouvelle pour comprendre les particularités pragmatiques associées à l'autisme, qui aiderait à mieux comprendre le contraste entre les résultats des personnes autistes dans les tâches standardisées et leurs expériences dans la vie quotidienne.
Conclusion : Implications théoriques et pratiques
La thèse de Nicolas Petit offre une contribution significative à notre compréhension des modèles pragmatiques et de l'autisme. Les résultats ouvrent la voie à des perspectives théoriques enrichissantes, afin d’élargir notre compréhension du monde cognitif en constante évolution des jeunes esprits. Sur le plan pratique, l’outil d’évaluation développé pourra par ailleurs être déployé et utilisé dans la pratique clinique, notamment par les orthophonistes.