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Bourses post-doctorales 2023 : interview de la lauréate Honora Englander

Mis en ligne le 09 octobre 2023

Chaque année, un jury interne à l'établissement Le Vinatier sélectionne et finance des projets doctoraux et post doctoraux. Nous mettons à l’honneur ces lauréats. Aujourd'hui, nous interviewons la chercheuse postdoctorale Honora Englander.

Pouvez-vous nous rappeler qui encadrera votre projet ainsi que la structure de recherche qui vous accueillera ?

Pour mon projet, j'ai la chance de collaborer avec le Professeur Benjamin Rolland et ses collègues du SUAL.

Quel est votre parcours ?

Je suis actuellement professeur de médecine en addictologie à l'Université de l'Oregon Health & Science (OHSU) à Portland, Oregon, aux États-Unis. À OHSU, je dirige une équipe importante dédiée aux soins aux patients, à la recherche et à l'enseignement. Notre travail se concentre principalement sur les soins hospitaliers pour les patients souffrant de troubles liés à la consommation de substances. Les défis auxquels sont confrontés mes patients m'ont incité à m'impliquer dans la recherche et à plaider pour des réformes politiques visant à améliorer la prise en charge de l'addiction aux États-Unis, notamment en ce qui concerne l'accès aux Traitements de Substitution aux Opioïdes (TSO), tels que la méthadone et la buprénorphine.

Pouvez-vous nous expliquer votre sujet post-doctoral ?

Mon projet de recherche se focalise sur la dépendance aux opioïdes, par exemple l'héroïne, qui constitue l'une des principales causes de décès aux États-Unis, où elle dépasse désormais les 100 000 décès par an. Cette problématique s'est encore aggravée en raison de la pandémie de COVID-19 et de l'augmentation de l'utilisation de drogues illicites de plus en plus létales et imprévisibles. Les Traitements de Substitution aux Opioïdes (TSO) sont les méthodes de traitement les plus efficaces. Des études menées depuis des décennies ont démontré leur efficacité dans la réduction de la consommation de drogues, des taux d'infection par le VIH et l'hépatite C, ainsi que dans la prévention des décès liés aux opioïdes.


Cependant, malgré leur efficacité, leur disponibilité et leur utilisation varient considérablement à travers le monde. Aux États-Unis, par exemple, la méthadone et la buprénorphine, bien qu'efficaces, demeurent largement sous-utilisées, avec moins de 18% des Américains qui en ont besoin qui y ont accès, contrairement à la France où ce taux atteint 80%. L'objectif des États-Unis est de modifier leurs politiques de santé pour répondre à ce besoin, mais cela ne constitue que la première étape. Le véritable changement des pratiques nécessitera un leadership, une formation et une refonte complète du système de soins de santé. Dans cette optique, la France offre des enseignements fondamentaux.


En parallèle, l'Europe est également confrontée à une menace croissante due aux opioïdes synthétiques ultrapuissants, tels que le fentanyl, qui inondent le marché noir américain. Le fentanyl a radicalement transformé la crise des opioïdes en Amérique du Nord, avec des implications sur la prise en charge des patients, la gestion des overdoses et du sevrage, nécessitant de nouvelles stratégies pour l'introduction de la méthadone et de la buprénorphine. Le fentanyl est responsable d'un nombre sans précédent de décès par overdose, mettant à rude épreuve les systèmes de soins de santé et les dispositifs de réduction des risques. La France peut tirer des enseignements de l'épidémie de fentanyl en observant les succès et les échecs des États-Unis face à la crise des opioïdes.


Le but de ce projet est double :

  • Décrire les éléments du système français de TSO et de Réduction des Risques (RdR) en utilisant un cadre scientifique de mise en œuvre (CFIR).
  • Tirer des leçons comparatives entre les États-Unis et la France. La première étape de mon travail consistera à comprendre les composantes du système d'accès aux TSO et aux dispositifs de RdR en France. Pour ce faire, lors de mes premiers mois en France, j'effectuerai des visites sur différents sites (CSAPA, CAARUD) délivrant des TSO et pratiquant la RdR. En collaboration avec mes collègues, nous mènerons des entretiens semi-structurés avec des cliniciens, des pharmaciens, des décideurs politiques et d'autres experts français de l'usage d'opioïdes. À la suite de ces entretiens, nous synthétiserons les questions pertinentes concernant la politique de soins.

Pourquoi avoir choisi Le Vinatier ?

J'ai choisi Le Vinatier pour avoir l'opportunité de travailler avec le Professeur Rolland, reconnu internationalement comme un leader en addictologie. Je souhaite apprendre auprès de lui et de son équipe sur le système de santé français, tout en ayant l'occasion de vivre dans la magnifique ville de Lyon avec ma famille.

Et après, quels sont vos projets ?

J'espère pouvoir utiliser les résultats de mon travail et de mon expérience en France pour améliorer les systèmes d'accès aux TSO et à la RdR en Amérique du Nord. De plus, je souhaite que mon année passée au sein de cet établissement puisse être le point de départ de nombreuses autres collaborations internationales entre mon service et le SUAL.

Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?

Je tiens à exprimer ma gratitude envers l'OHSU, l'US Fulbright et l'hôpital Le Vinatier pour leur soutien financier et leur appui  qui me permettent de passer cette année à Lyon.

 

→ En complément, découvrez une interview vidéo d'Honora Englander.

 

 Le Vinatier remercie Honora Englander pour ses travaux de recherche et de s'être prêté au jeu de l'entretien.

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