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Autisme : une nouvelle piste d’évaluation de l’efficacité des interventions
Mis en ligne le 29 novembre 2021
Lucie Jurek, Médecin Psychiatre de l’Enfant et de l’Adolescent et Matias Baltazar, Psychologue et Docteur en Psychologie, sont tous deux membres du SUNRISE. Ils sont à l’origine de la publication " Response (minimum clinically relevant change) in ASD symptoms after an expert elicitation procedure "
Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental fréquent (environ 1% des personnes) qui peut être complexe à évaluer et à diagnostiquer du fait de l’hétérogénéité des phénotypes cliniques. Notamment, il peut être associé (ou non) à des difficultés de langage, ou à des altérations du fonctionnement intellectuel. Il peut être visible dès les premières années de vie, ou être diagnostiqué à l’âge adulte pour les personnes ayant de bonnes capacités de compensation. Autant d’aspects qui se combinent et qui font qu’il est très difficile de mesurer la sévérité du trouble et de comparer cette sévérité d’une personne à l’autre.
L’échelle CARS-2 : une mesure de l’autisme qui s’adapte à l’hétérogénéité clinique…
L’échelle CARS-2 est une échelle diagnostique et de mesure de la sévérité du TSA largement utilisée dans le monde en pratique clinique mais également pour la recherche. Elle est :
- traduite dans plusieurs langues et
- utilisable chez l’enfant et chez l’adulte, quel que soit le niveau de fonctionnement intellectuel ou langagier.
Cette échelle évalue, sur un score total de 60 points, l’intensité de 15 différents symptômes que l’on s’attend à retrouver dans le TSA. Le score total permet d’estimer si l’individu ne présente pas de signe autistique patents ou s’il présente des signes légers à sévères.
… et permet aussi de mesurer l’efficacité des interventions?
Cette échelle est également utilisée pour évaluer l’efficacité des prises en charge de l’autisme. Cependant, il n’existait, jusqu’alors, aucun consensus sur ce que représente une amélioration cliniquement significative sur l’échelle CARS-2. Pour résoudre ce problème, le Service en Neurodévelopement, Réhabilitation, intervention et suivi chez l’enfant (SUNRISE) a cherché à définir un niveau minimum d'amélioration cliniquement significative (ou visible) sur la CARS-2. Pour établir cette valeur minimale, les chercheurs ont utilisé un processus appelé « élicitation des connaissances d'experts » (SHELF en anglais), dans lequel des statisticiens collaborent avec des experts pour convertir leurs jugements individuels en un modèle statistique commun, qui permet ensuite de converger vers une valeur qui fait consensus sur les plans à la fois clinique et statistique.
Vers un consensus sur une amélioration minimale sur la CARS-2 pour décider qu’une intervention est efficace
5 experts internationaux issus de 4 pays différents, dont deux du CH Le Vinatier (Lucie Jurek et Matias Baltazar), accompagnés de deux statisticiens, se sont réunis pendant une journée. Le travail a inclus plusieurs phases :
- prise d’informations des experts à propos des études cliniques déjà existantes sur le sujet,
- débat et délibération entre experts,
- formulation, recueil des jugements des experts et intégration dans un modèle statistique.
Le modèle résultant suggère qu'une progression minimale de 4,5 points sur la CARS-2 constitue une amélioration cliniquement significative. Les résultats concordent avec les résultats d'essais cliniques antérieurs, dans lesquels les chercheurs considéraient qu'une amélioration significative était de l'ordre de 4 à 8 points.
Ces résultats ont été publiés en avril dernier dans la revue European Child and Adolescent Psychiatry. Ce travail, impliquant des chercheurs du Vinatier, permet dorénavant aux équipes de recherche internationales d’avoir une référence commune pour évaluer la pertinence des interventions dans l’autisme, quel que soit le public visé et quel que soit leur niveau de fonctionnement intellectuel ou langagier. Ce travail permet également de guider les cliniciens dans leur pratique et de réévaluer l’intérêt des protocoles de soins mis en place pour leurs patients.
→ L’interview du Dr Jurek à propos de cette publication (en anglais)
→ L’article (en open access)