Objet TypoScript introuvable (lib.myReseauxSociaux)

Actualités, Recherche

Réformer l'accès à la méthadone : ce que les États-Unis peuvent apprendre de la France

Mis en ligne le 05 juillet 2024

Publiée dans l’ International Journal of Drug Policy (Volume 129, Juillet 2024, 104487) par Honora Englander, cette étude compare les approches des deux pays et souligne l'efficacité des politiques françaises en matière de réduction des overdoses et d'amélioration des résultats de santé publique. Le Pr. Englander a reçu une subvention pour ce travail du US Fulbright program, de la Commission franco-américaine Fulbright, de la Fondation Neurodis, et de l’établissement Le Vinatier.

La méthadone : un traitement efficace, mais largement inaccessible

La méthadone est l'un des traitements les plus efficaces pour le trouble de l'usage d'opioïdes. Cependant, aux États-Unis, ce médicament reste largement inaccessible en raison de politiques fédérales restrictives. Ces régulations limitent sa disponibilité, encadrent strictement les doses, la fréquence des visites médicales et imposent des tests de dépistage de drogues. Pourtant, il y a un mouvement croissant pour moderniser ces politiques américaines vieilles de plusieurs décennies.

La France : un modèle d'accès et d'efficacité

Contrairement aux États-Unis, la France offre un accès étendu à la méthadone avec des taux de décès par overdose bien inférieurs. Environ 87 % des Français souffrant de troubles de l'usage d'opioïdes reçoivent de la méthadone ou de la buprénorphine, contre seulement 13-20 % aux États-Unis. Ces chiffres illustrent l'efficacité des politiques françaises pour réduire les overdoses et améliorer la santé publique.

Comment fonctionne le système français ?

En France, la méthadone peut être initiée dans des centres spécialisés en addictologie ou des hôpitaux, puis la prise en charge peut être transférée aux médecins généralistes. Les patients peuvent obtenir leur méthadone dans les pharmacies communautaires, sans avoir à se soumettre à une prise supervisée quotidienne, sauf si nécessaire pour des raisons cliniques. Les décisions concernant la fréquence des visites, les doses de médicaments et les tests de dépistage sont prises conjointement par le patient et le clinicien, selon les meilleures pratiques cliniques.

Le système américain : des restrictions importantes

Aux États-Unis, la méthadone pour le trouble de l'usage d'opioïdes est strictement régulée et disponible uniquement dans des Programmes de Traitement des Opioïdes (OTP). Souvent, les patients doivent se rendre quotidiennement dans ces centres pour recevoir leur dose sous surveillance, jusqu'à ce qu'ils soient jugés suffisamment stables pour recevoir des doses à domicile. Les cliniciens ne peuvent pas prescrire de méthadone en dehors de ces programmes, créant ainsi d'importantes barrières à l'accès au traitement.

Comparaison des politiques et implications

Flexibilité et accès

Le modèle français permet une plus grande flexibilité et un meilleur accès en intégrant les soins de la méthadone dans les soins primaires et en permettant sa distribution dans les pharmacies communautaires. Aux États-Unis, les restrictions qui limitent la méthadone aux OTP et nécessitent des visites quotidiennes créent des obstacles significatifs pour les patients.

Décisions cliniques et autonomie des patients

En France, les décisions concernant le traitement peuvent être prises de manière partagée entre le patient et le clinicien, ce qui permet de personnaliser les soins. Aux États-Unis, les règles fédérales strictes limitent cette personnalisation, réduisant ainsi l'efficacité potentielle du traitement.

Résultats de santé

Grâce à ses politiques, la France affiche une couverture élevée des traitements et des taux d’overdose parmi les plus bas d'Europe. Aux États-Unis, seulement 13-20 % des personnes souffrant de troubles de l'usage d'opioïdes reçoivent de la méthadone ou de la buprénorphine, avec des taux d’overdose beaucoup plus élevés.

Implications pour les réformes américaines

Les décideurs américains pourraient s'inspirer de l'exemple français pour réformer leurs politiques sur la méthadone. Une approche plus flexible, permettant aux cliniciens de prescrire de la méthadone dans les soins primaires et sa distribution dans les pharmacies communautaires, pourrait améliorer l'accès au traitement. Permettre une plus grande autonomie clinique pourrait également améliorer l'adhésion des patients et les résultats de santé.

Barrières aux changements

Cadre réglementaire

Modifier les régulations actuelles aux États-Unis est un processus complexe impliquant plusieurs agences fédérales et étatiques. Cette complexité peut ralentir les réformes et rendre difficile l'implémentation de changements significatifs.

Stigmatisation et perceptions publiques

La méthadone reste stigmatisée, ce qui affecte les patients, les cliniciens et les décideurs politiques. Cette stigmatisation peut entraver les efforts de réforme et réduire la volonté politique de changer les politiques existantes.

Inertie institutionnelle

Les institutions médicales et de santé publique aux États-Unis ont des pratiques profondément enracinées, rendant le changement difficile. Modifier les systèmes de formation et de distribution de médicaments nécessiterait des efforts considérables.

Perspectives pour l'avenir

Des défis malgré un modèle exemplaire

Bien que les politiques de traitement de la méthadone en France soient exemplaires à l’échelle internationale, ils ne sont pas sans faiblesses. Les patients doivent souvent faire face à de longs temps d’attente et à des pénuries de main-d’œuvre. Avec la menace émergente du fentanyl, il est nécessaire que la France réfléchisse à des moyens de préserver et de renforcer ses systèmes de traitement par la méthadone.

Une réforme urgente aux Etats-Unis

Cette recherche met en lumière la nécessité urgente de réformer les politiques de traitement de la méthadone aux États-Unis. Des études, nombreuses et concluantes, montrent que ces réformes pourraient sauver des vies. Pourtant, les appels à l’éducation et à la recherche, bien que nécessaires, ne doivent pas retarder les changements cruciaux attendus depuis longtemps.

Conclusion

Apprendre des expériences internationales, notamment celles de pays comme la France, pourrait guider les réformes américaines. Des collaborations avec des experts internationaux et des échanges de bonnes pratiques pourraient aider à adapter les modèles de succès à un contexte américain. Cette collaboration pourrait également renforcer les arguments en faveur du changement en fournissant des exemples concrets de politiques efficaces.

La crise des opioïdes aux États-Unis nécessite des réformes audacieuses pour améliorer l'accès et l'efficacité du traitement par la méthadone. D’un côté, les États-Unis pourrait s’inspirer de l’exemple français en transformant le traitement des troubles de l’usage d’opioïdes et donc réduire les décès liés aux overdoses. De l’autre, la France a la nécessité de préserver son modèle et de s’adapter à la menace émergente du Fentanyl. 

 

→ Retrouvez l’intégralité de l’article sur SciencesDirec

→ Celui de l'OHSU (anglais)

→ Et visionnez l'interview du Pr. Honora Englander sur le sujet

Haut de contenu