Actualités
Portrait du Dr Romain Rey - Pôle HU ADIS
Mis en ligne le 04 mai 2022
Portrait - Pôle HU ADIS
Pouvez-vous nous décrire votre parcours en quelques mots ?
Je suis médecin originaire de Saint-Etienne. J’ai fait mes études à Dijon. Je suis arrivé au Vinatier en 2013. J’ai poursuivi un cursus scientifique et j’ai soutenu ma thèse de science en 2018. Je partage mon temps entre le Pôle HU-ADIS (les lundis et vendredi après-midis) et le Pôle Est du Centre Hospitalier Le Vinatier. Sur le Pôle Est, je suis responsable du centre expert schizophrénie, et j’ai développé deux autres centres experts : dépression résistante et troubles bipolaires. Sur le pôle HU-ADIS, j’ai repris la consultation des maladies génétiques à expression psychiatrique, notamment les schizophrénies syndromiques (c’est-à-dire liées à une mutation génétique rare).
Depuis toujours, je me suis intéressé à la vulnérabilité génétique aux troubles psychiatriques. Tous les troubles psychiatriques ont une composante génétique. Pendant longtemps, on a pensé que la composante génétique était juste une vulnérabilité. Mais avec l’avancée des connaissances et la technologie, on a commencé à pouvoir identifier des troubles psychiatriques qui étaient presqu’entièrement dû à des causes génétiques.
Qu’est-ce que la schizophrénie ?
Il s’agit d’une maladie uniquement définie sur des symptômes. On peut faire des examens complémentaires pour éliminer d’autres causes, mais ces examens ne viennent jamais confirmer notre diagnostic. Il existe cinq types de symptômes différents : hallucinations sensorielles, idées délirantes, désorganisation, isolement et impulsivité. Certaines personnes présentent tous les symptômes, d’autres n’en présentent que quelques-uns, à différents degrés. On formule le diagnostic de schizophrénie lorsque les symptômes exercent un retentissement négatif sur le fonctionnement de la personne. J’aime bien comparer la schizophrénie à la fièvre. Avant, les médecins posaient des diagnostics de fièvre. Or on sait aujourd’hui que la fièvre n’est pas une maladie, c’est un symptôme qui apparaît dans différentes situations et états. On doit chercher l’origine de la fièvre. C’est pareil pour la schizophrénie, on cherche la maladie qui se cache derrière la schizophrénie grâce à des examens biologiques qui permettent d’en identifier les causes. On propose alors un traitement précis qui va agir sur ces pathologies « cachées ». On parle de médecine de précision ou médecine personnalisée. Avec Caroline Demily, nous avons créé une RCP nationale en lien avec le plan France génomique 2025 porté par Auragen et Sequoia. Cela permet d’accéder à un examen de deuxième ligne pour essayer de rechercher des facteurs génétiques rares à l’origine de certaines schizophrénies via une analyse de génome. C’est une avancée importante car cela permet d’avoir des examens très poussés des facteurs génétiques, dans le cadre des soins courants et non pas de recherche pure.
Des projets en cours ?
Avant d’arriver sur le pôle, j’ai beaucoup travaillé sur le soutien aux aidants, notamment avec le développement du programme BREF (https://c3rp.fr/programme-bref-leo-pour-les-aidants-romain-rey/) que nous avons créé en 2016 en collaboration avec l’UNAFAM, en réponse aux recommandations internationales. Nous sommes dans une dynamique de dissémination du programme à travers la France. À ce jour, 150 structures ont été formées.
L’avantage du programme BREF c’est qu’il est beaucoup plus facile à mettre en œuvre dans les services et beaucoup plus court donc très acceptable pour les familles qui sont reçues une par une.
Le programme se compose de trois rendez-vous : un premier entretien au cours duquel on fait le point avec les familles, un deuxième entretien au cours duquel on répond aux questions prioritaires que les familles se posent à propos de leur proche malade, et un dernier rendez-vous concernant l’impact sur l’entourage et les aidants. À l’issue du programme, on les incite à se mettre en lien avec des associations de famille ou à continuer avec un programme plus complet s’ils le souhaitent. Une application smartphone est aujourd’hui disponible : eBREF aidants. Nous sommes en train de décliner le programme BREF pour les troubles du neuro-développement, mais aussi pour les addictions et les troubles neurodégénératifs.
L’autre projet auquel je participe en lien avec Caroline Demily, Damien Sanlaville, Gaëtan Lesca et Catherine Mouillac-Vuillet, est un projet d’équipe mobile de génétique pour les personnes avec schizophrénie. A l’heure actuelle, il serait vraiment pertinent de proposer une exploration génétique pour un sous-groupe de personnes avec schizophrénie, notamment les schizophrénies résistantes, les schizophrénies atypiques, les schizophrénies très précoces, les schizophrénies avec une déficience intellectuelle ou une épilepsie associées... Il y a un consensus médical sur le fait de leur proposer un diagnostic génétique, or personne ne le fait. Cette équipe mobile faciliterait l’accès à ces examens génétiques, sur le même modèle de celle qu’Arnold Munich avait développé dans l’autisme il y a plusieurs dizaines d’années. Récemment, nous avons constitué une cohorte de 150 patients avec une schizophrénie et avons observé que 10% de ces personnes présentaient une mutation génétique rare ce qui est bien plus élevé que dans le reste de la population. Un tel résultat pose la question de systématiser les examens génétiques en cas de diagnostic de schizophrénie ce qui rend encore plus stratégique notre projet d'équipe mobile de génétique !
L’objectif de cette équipe est d’essayer de combler la perte de chance pour les personnes qui ont un diagnostic de schizophrénie depuis longtemps et qui n’ont jamais eu accès à cet examen génétique et, en parallèle, essayer de le rendre le plus précoce et le plus systématique possible. En outre, proposer des examens génétiques permet de réduire le stigma puisque cela ramène la schizophrénie à une maladie comme une autre, avec une explication biologique.
Nous avons fait des demandes de financement dont nous devrions recevoir les résultats courant mai. Affaire à suivre…